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Dispositif CFC et SCI translucides: la Cour constitutionnelle évite le débat de fond!

Le dispositif belge de lutte contre les sociétés étrangères contrôlées (CFC) a fait l’objet d’un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle. Le cœur du débat portait sur la compatibilité du régime CFC, et notamment de son exception de substance, avec les libertés fondamentales garanties par le droit de l’Union européenne.

Dans un arrêt décevant du 15 mai 2025, la Cour rejette le recours, non pas pour des raisons de fond, mais pour défaut d’intérêt à agir de la partie requérante. Retour sur un rendez-vous manqué avec la jurisprudence.

1. Le recours en annulation : vers une clarification attendue sur l’exception de substance ?

  • Le régime belge CFC, tel que modifié par la loi-programme du 22 décembre 2023, a été attaqué dans le cadre de l’affaire n°8268.
  • La contestation portait notamment sur la limitation drastique de l’exception de substance, censée écarter les situations ne relevant pas de montages purement artificiels.

Problème soulevé :

L’exception est aujourd’hui quasiment inopérante, en particulier pour les sociétés holding, même actives et animatrices, qui peinent à démontrer leur éligibilité.

L’enjeu européen :

Pour les CFC établies au sein de l’UE, l’application stricte de ce régime soulève de sérieuses questions de compatibilité avec la liberté d’établissement et la libre circulation des capitaux.

Une question préjudicielle à la CJUE paraissait inévitable.

Espoir des praticiens :

La Cour constitutionnelle était attendue pour arbitrer, voire pour transmettre l’affaire à la CJUE. Elle ne l’a pas fait.

2. Un rejet procédural : défaut d’intérêt à agir

L’arrêt du 15 mai 2025 se contente d’écarter le recours pour défaut d’intérêt à agir, sans entrer dans l’analyse de la légalité du dispositif contesté.

Motif retenu :

  • La société requérante (un cabinet d’avocats) ne détenait pas de CFC au moment de l’introduction du recours.
  • Elle ne possédait alors qu’une autre société belge, ce qui ne permettait pas de démontrer un intérêt direct et personnel.

Conséquence :

Le débat de fond sur la constitutionnalité du régime CFC est renvoyé à plus tard, à condition qu’une partie puisse démontrer sa qualité à agir dans un dossier ultérieur.

3. Acquisition postérieure d’une SCI française translucide : hors champ du recours

  • Après l’introduction du recours, la société d’avocats a acquis 75 % d’une SCI translucide française.
  • Elle arguait que cette entité était imposée en France, donc non concernée par le régime CFC (au sens de l’article 185/2, §3, al. 1er du CIR).

Sur le fond :

  • Cette analyse semble correcte, la SCI n’étant pas elle-même soumise à l’impôt sur les revenus en France.
  • Par analogie, le régime RDT belge ne s’applique pas aux dividendes perçus d’une SCI translucide par une société belge, faute de soumission de la SCI à l’impôt sur les bénéfices.

Mais juridiquement :

Puisque la participation a été acquise après le dépôt du recours, la Cour n’en a pas tenu compte, conformément à sa jurisprudence constante.

Conclusion

Ce rejet procédural constitue une occasion manquée de clarifier la validité du régime belge CFC, notamment au regard du droit européen.

Tant que l’exception de substance restera aussi restreinte, le risque de violation des libertés fondamentales persiste. Il reviendra à un autre requérant, dûment fondé à agir, de porter à nouveau la contestation devant la Cour constitutionnelle — ou devant la CJUE, si une juridiction de renvoi accepte de franchir le pas.

En attendant, les sociétés belges investissant dans des SCI françaises translucides devront redoubler de prudence, en matière tant de régime CFC que de traitement RDT.

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