Je ne suis plus très jeune, mais je ne suis pas encore vieux. Permettez moi néanmoins ce petit moment de nostalgie.
Quand je lis la doctrine publiée dans les revues fiscales spécialisées ou sur ce réseau, je note une évolution que je regrette quelque peu. Parfois, je m’ennuie.
Certes, nous sommes noyés d’information, parfois très utile, mais il n’y a plus cette fougue, ces écrits enflammés, cette capacité d’indignation, ce courage à dénoncer l’inacceptable avec un talent et une plume formidables.
Alors, je repense aux « anciens » fiscalistes. Comme ces auteurs savaient écrire à l’époque! Je pense à des personnalités immenses : André Bailleux , John Kirkpatrick, Marc Baltus, Guy kleynen, Jean-Pierre Bours, Emile Masset etc. Même certains fonctionnaires osaient prendre position. On se souvient aussi de grands commercialistes qui n’avaient pas peur de leur ombre.
Ainsi, l'avocat Jean-Pierre BOURS (dénonçant avec talent cette incapacité devenue chronique de notre législateur à rédiger des textes de loi utiles et lisibles) : "Mais quel gâchis ! Pourquoi ne pas avoir eu le courage élémentaire de réécrire l’article 90,1°, plutôt que de lui laisser dire ce qu’il disait, en le contredisant quelques lignes plus bas ?"
Comment réagiraient de tels génies fiscaux si on leur disait : «Il faudrait peut-être nuancer vos propos »?
Aujourd’hui il semble que domine un excès de prudence, une forme d’auto-censure. Il ne faut surtout pas heurter l’administration fiscale et certains de ses services, dénoncer certains jugements. Quand on lit certaines décisions de la Cour constitutionnelle, des tribunaux fiscaux et même de la Cour de cassation, il y a pourtant matière à critique.
Fort heureusement, il reste quelques personnalités flamboyantes qui osent s’exprimer avec brio, notamment sur ce réseau. Que l’on partage ou non leur opinion importe peu : elles font bouger les lignes ! Souvent « l’ancienne » génération, pas toujours.
A mon sens toute critique est utile à condition qu’elle respecte 3 règles : il faut partir d’un fait ou d'un problème absolument véridique, l’argumentation doit être solidement charpentée, et la conclusion doit proposer une amélioration de la situation.
Je suis d’ailleurs infiniment reconnaissant aux dizaines d’auteurs qui ont, avec talent et courage, osé exprimer leur opinion dans notre guide sur les 60 propositions fiscales (www.adfpc.be).
Face à une administration de moins en moins conciliante, face à une jurisprudence vacillante, face à une législation fiscale de plus en plus coercitive, il ne reste plus qu’une source de droit pour défendre les citoyens (outre bien entendu la presse spécialisée) : c’est la doctrine.
Comme jadis, il nous faut plus que jamais des auteurs capables de nous faire vibrer, de nous émouvoir, de nous faire réfléchir, bref de faire preuve de ce courage élémentaire qui constitue notre dernière ligne de défense .
Jeunes et moins jeunes, soyez révoltés, comme nos aînés !