Le projet de loi-programme déposé à la Chambre prévoit une réforme coordonnée des régimes VVPRbis et de la réserve de liquidation, en vue d’en harmoniser les paramètres clés : délai de détention et taux effectif de taxation.
Présentée comme une mesure de simplification, cette réforme n’en appelle pas moins une lecture attentive.
Car au-delà des apparences, les finalités et les effets concrets de ces deux dispositifs restent fondamentalement distincts, avec des enjeux patrimoniaux et fiscaux différents selon le moment et la forme de la distribution.
Le projet de loi prévoit, avec effet au 1er juillet 2025, une harmonisation des deux régimes autour d’un schéma commun :
Ce parallélisme a sa logique : les deux régimes visent à encourager la capitalisation des petites sociétés, en réduisant la pression fiscale sur les distributions différées de dividendes. Mais cette convergence formelle ne doit pas masquer des différences substantielles.
Le régime de la réserve de liquidation permet aux petites sociétés d’affecter volontairement leur bénéfice net après impôt à une réserve spécifique. Cette affectation déclenche le paiement immédiat d’une cotisation distincte de 10 %. En contrepartie, la distribution différée de cette réserve peut bénéficier d’un précompte mobilier réduit, voire être exonérée en cas de liquidation.
Exemple : une société constitue une réserve de liquidation de 100 euros de bénéfice net. Elle paie 9,09 euros de cotisation distincte (soit 10 % sur le montant brut affecté), et conserve une réserve nette de 90,91 euros.
Ce taux de 30 % constitue une sanction fiscale explicite pour les distributions anticipées, marquant une rupture nette avec le régime actuel, où le taux applicable en cas de distribution dans les trois premières années est limité à 20 %. Le gouvernement entend ainsi renforcer l’incitation à une capitalisation de long terme, tout en décourageant les retraits précoces.
En cas de liquidation effective, la réserve peut être distribuée sans aucun précompte mobilier. Cet avantage demeure intact et renforce l’attractivité du régime pour les sociétés à horizon de clôture.
Pour les réserves de liquidation constituées jusqu’au 31 décembre 2025, trois taux coexisteront désormais en fonction du délai d’attente entre la constitution et la distribution :
Le contribuable aura donc le choix entre une distribution anticipée (plus taxée, mais immédiate) et une distribution différée (moins taxée, mais reportée dans le temps). La cotisation spéciale de 10 % reste applicable lors de la constitution de la réserve.
Le régime VVPRbis s’applique aux dividendes distribués par des petites sociétés sur la base d’apports en numéraire, sous certaines conditions (durée, libération, actions nominatives, etc.).
Contrairement à la réserve de liquidation, aucune cotisation spécifique n’est exigée au moment de l’apport : c’est l’impôt des sociétés de droit commun qui a été acquitté en amont. Le régime est donc plus souple dans sa mise en œuvre, mais il ne dispense pas de précompte mobilier lors d’une liquidation.
Le taux de précompte mobilier applicable dans le régime VVPRbis dépend du moment de la distribution par rapport à l’exercice d’apport :
Le boni de liquidation est taxé à 30 %, même si les dividendes ordinaires avaient été distribués à 15 % auparavant. C’est pourquoi, en pratique, les sociétés soumises au régime VVPRbis ont intérêt à distribuer l’ensemble de leurs réserves avant la liquidation, pour éviter cette taxation au taux plein.
En apparence, les deux régimes s’alignent :
Mais en substance, la réserve de liquidation conserve un atout majeur : la distribution en liquidation reste exonérée de précompte mobilier. À l’inverse, le régime VVPRbis ne protège pas le boni de liquidation, qui reste taxé à 30 %.
En outre, le nouveau cadre fiscal durcit les règles applicables à la réserve de liquidation : toute distribution dans les trois ans est désormais sanctionnée par un taux de 30 %, contre 20 % auparavant, augmentant significativement le coût fiscal des retraits précoces.
La réforme tend ainsi vers une rationalisation bienvenue, mais ne gomme pas les différences de finalité, de flexibilité et de traitement à la liquidation. L’analyse doit donc rester fine, et adaptée aux objectifs patrimoniaux de l’actionnaire.
La réforme annoncée introduit une convergence formelle, mais ne gomme pas les différences essentielles entre deux régimes qui ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Le premier valorise l’apport rapide et la distribution anticipée. Le second récompense la retenue des bénéfices et permet une exonération à terme.
L’arbitrage ne peut donc se réduire à une question de taux. Il implique une véritable stratégie patrimoniale, intégrant les besoins de liquidité, les perspectives de transmission, et la durée de détention projetée.