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La jurisprudence à la loupe – Tax TV Show juillet 2025

Voici trois décisions jurisprudentielles qui pourraient vous servir!


Cet article est écrit et diffusé dans le cadre du Tax TV Show du mois de juillet, disponible en live et en replay sur oFFFcourse.



1. Tribunal de première instance de Namur – 31 janvier 2023 – R.G. n° 20/1783/A : Stock-options et dividendes étrangers : la ligne de crête entre négligence et fraude

Les faits

Une salariée belge d’un groupe international a bénéficié de plans d’options sur actions attribuées entre 2007 et 2009. Ces options ont été exercées en 2016, générant une plus-value de près de 25.000 EUR, non déclarée à l’impôt des personnes physiques.

Parallèlement, elle percevait des dividendes sur un compte étranger mis à disposition par l’employeur (via la plateforme A. Securities Inc.), qu’elle n’a pas non plus déclarés, ceux-ci étant automatiquement réinvestis.

L’administration a retenu des indices de fraude au sens de l’article 333 CIR 92, a procédé à une taxation complémentaire et a appliqué des accroissements au taux de 50 %.

Position du Tribunal

  • Sur l’existence d’indices de fraude, le Tribunal relève que la contribuable avait reçu des documents détaillant les implications fiscales belges du plan stock-options, notamment via l’intranet de l’entreprise. Même si elle n’en a pas compris la portée exacte, elle savait ou devait savoir qu’un avantage était octroyé à des conditions préférentielles.

De plus, elle a déclaré ne pas disposer de compte étranger, alors que les éléments transmis dans le cadre de l’échange automatique d’informations (FATCA) démontraient l’inverse.

  • Sur l’absence d’intention frauduleuse caractérisée, le Tribunal estime - assez étonnamment - qu’aucune intention frauduleuse ne peut être retenue :
    • La contribuable a répondu à toutes les demandes de renseignements de manière cohérente et sans contradiction manifeste.
    • Elle n’a opposé aucun obstacle aux contrôles.
    • Elle a produit spontanément les documents en sa possession (certes lacunaires) datant de plus de 10 ans.
    • Surtout, l’employeur étant étranger, les revenus n’étaient pas repris sur les fiches fiscales belges, ce qui a pu entretenir une confusion sur leur caractère imposable.

Ces éléments militent, selon le Tribunal, pour l’absence de mauvaise foi et ce malgré le fait que l’administration ait invoqué le fait que la contribuable n’a pas déclaré ses options, pas déclaré son compte étranger, pas déclaré les dividendes y versés et qu’elle ait disposé de documents clairs et structurés au sujet du traitement fiscal belge de ces options.

  • Conséquences
    • Les redressements sont validés : l’avantage tiré de l’exercice des stock-options est imposable comme revenu professionnel (art. 31 et 36 CIR 92), dès lors que l’offre n’a pas été acceptée dans le délai légal.
    • Les dividendes étrangers doivent être déclarés, même s’ils ne sont pas perçus « en espèces ».
    • En revanche, le taux d’accroissement est ramené à 10 %, le seuil minimal, en raison de la collaboration de la contribuable et de l’absence d’intention dolosive.

Cette décision fait office de piqure de rappel pour l’administration doit motiver (plus) rigoureusement l’existence d’une intention frauduleuse pour justifier des accroissements supérieurs à 10 %.


2. Cour de cassation – 25 avril 2025 – R.G. n° F.23.0101.N : Simulation

Les faits

En 2010, une société belge contracte un emprunt de 5.050.000 euros auprès d’une banque néerlandaise afin de financer l’acquisition d’un yacht à moteur par une société maltaise, dont elle est actionnaire.
Le lendemain de l’achat, cette société maltaise conclut un contrat de leasing avec Monsieur A..., gérant et actionnaire de la société belge, lui conférant l’usage exclusif du bateau pour 36 mois, contre un paiement initial de 2.607.500 euros suivi de mensualités de 75.000 euros.

En pratique, aucune des obligations prévues au contrat n’a été respectée : ni les paiements dus au titre du leasing, ni le remboursement de l’emprunt. Tous les frais (achat, assurance, entretien, exploitation) ont été supportés par la société belge, sans aucun recouvrement.

L’administration estime qu’il s’agit d’une structure artificielle visant à procurer à Monsieur A... la jouissance privée du yacht tout en en transférant la charge à la société belge, et considère que tout cela est en réalité simulé.

Position de la Cour de cassation

La Cour confirme la position de la cour d’appel (Anvers, 15 novembre 2022, 2021/AR/895) : les conventions de prêt et de leasing étaient simulées. Elles n’ont jamais été exécutées et les parties n’en ont pas respecté les obligations ni les effets (ni appel à paiement, ni mise en demeure, ni exploitation réelle du navire).

Cette simulation a permis à un tiers d’utiliser gratuitement un actif financé par la société belge, ce qui constitue :

  • D’une part, une sous-estimation d’actif dans les comptes sociaux (art. 24, al. 1er, 4°, CIR 92),
  • D’autre part, l’octroi par la société belge d’un avantage de toute nature imposable non déclaré à Monsieur A... (art. 31, al. 2, 2°, CIR 92).

La Cour précise que ce n’est pas la forme juridique (contrats écrits, société maltaise, etc.) qui détermine la validité fiscale, mais bien l’analyse de la réalité économique et des comportements effectifs.


3. Cour d’appel d’Anvers – 29 avril 2025 – R.G. n° 2023/AR/1592 : Réduction de capital ou dividende ? Le fait générateur d’imposition en question

Les faits

Une société belge a décidé une réduction de capital le 20 décembre 2016. Le montant de cette réduction (plus de 4,6 millions EUR) a été inscrit dès le lendemain au crédit du compte courant du dirigeant-associé.
L’administration, considérant qu’il s’agissait d’une distribution de dividende, a tenté d’imposé le montant de la réduction de capital sur les exercices d’imposition 2018 et 2019.

Position de la Cour

La Cour admet la requalification de la réduction de capital en dividende déguisé, dès lors que celui-ci n’était pas corrélé à une restitution effective de capital libéré.

Mais elle rejette la base légale du timing retenu par l’administration :

  • Conformément à l’article 267 CIR 92, le fait générateur de l’impôt naît au moment de la mise à disposition du revenu, même si les sommes ne sont pas immédiatement perçues.
  • La comptabilisation sur un compte courant personnel constitue une mise à disposition sur le plan fiscal, même si ce compte est temporairement « indisponible » (ex. libellé en dette à long terme).
  • La clause d’attente (2 mois) prévue à l’article 317 de l’ancien Code des sociétés ne modifie pas le moment de la taxation, car elle concerne les modalités d’exécution, non la naissance du droit de créance.
  • Résultat : les cotisations sont annulées pour erreur d’exercice d’imposition, mais la Cour autorise l’État à introduire une cotisation subsidiaire au titre de 2017 dans les six mois.

Cette décision nous permet de rappeler qu’en matière de précompte mobilier, lorsque les fonds sont disponibles ou comptabilisés au bénéfice du contribuable, la taxation est acquise, peu importe la date de versement effectif.

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