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Une bonne nouvelle jurisprudentielle pour les assujettis à la taxe annuelle belge sur les OPC!

Arrêt du 5 novembre 2024 de la Cour d’appel de Gand – Une bonne nouvelle pour les assujettis à la taxe annuelle belge sur les organismes de placement collectif.

1. En 2004 la Belgique a étendu l’application d’une taxe annuelle qui, s’appliquait alors aux fonds d’investissement collectifs belges, aux fonds étrangers tels que ceux enregistrés au Luxembourg (par exemple : les SICAV luxembourgeoises).

Cette taxe annuelle (ladite taxe annuelle sur les organismes de placement collectif) s’applique à un taux de 0,0925% par an sur le total des montants nets placés en Belgique.

Depuis cette extension de la taxe annuelle belge aux organismes de placement collectif étrangers, ces derniers sont confrontés à des problèmes de double imposition puisque les SICAV luxembourgeoises sont soumises à une taxe d’abonnement au Grand-Duché du Luxembourg sur le montant total de leurs actifs nets en ce compris donc les montants en circulation en Belgique.

2. En 2016 à la suite d’une question préjudicielle de la Cour d’appel de Bruxelles (C-48/15), la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que cette taxe annuelle n’enfreignait pas le droit de l’Union Européenne. La question de la contrariété de cette taxe aux conventions fiscales internationales ne fut toutefois alors pas tranchée.

Elle fut examinée pour la première fois par la Cour d’appel de Bruxelles dans deux causes faisant l’objet de deux arrêts du 29 novembre 2018 et ensuite qui furent ensuite confirmés le 25 avril 2023. Dans ces arrêts la Cour d’appel de Bruxelles jugea que la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif était contraire à la convention préventive de double imposition conclue entre la Belgique et le Grand-Duché du Luxembourg (ci-après « la convention belgo-luxembourgeoise »).

Sa position se fonda sur le raisonnement suivant :

  • L’article 2 § 1ier de la convention belgo-luxembourgeoise vise tant l’impôt sur le revenu que l’impôt sur la fortune.
  • L’article 2 § 2 défini l’impôt sur la fortune comme étant celui qui frappe la fortune totale ou des éléments de celui-ci.
  • L’article 2 § 3 qui énumère les impôts actuels auxquels s’applique la convention belgo-luxembourgeoise n’est pas exhaustif.
  • L’article 2 § 4 stipule que la convention belgo-luxembourgeoise s’applique également aux impôts futurs de nature identique ou analogue qui s’ajouteraient aux impôts actuels visés au § 3 de l’article 2

Une taxe égale ou substantiellement similaire aux taxes visées au § 3 de l’article 2 tombe dès lors automatiquement dans le champ d’application de la convention belgo-luxembourgeoise.

La Cour d’appel de Bruxelles jugea, sur la base de ces considérations, que la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif entre dans le champ d’application des conventions fiscales préventive de double imposition et que dès lors les SICAV luxembourgeoises pouvaient se prévaloir de l’article 22 § 4 de la convention qui stipule que « tous les autres éléments de la fortune d’un résident d’un état contractant ne sont imposables que dans cet état ». En l’occurrence, seul l’état où l’organisme de placement collectif est établi donc, pour une SICAV luxembourgeoise, le Grand -Duché du Luxembourg, a le pouvoir de prélever un impôt sur la fortune. La Belgique doit donc accorder une exonération.

3. Cette position de la Cour d’appel de Bruxelles va actuellement à l’encontre de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, à l’issue de l’arrêt du 25 mars 2022, rendu par la section francophone et un arrêt du 21 avril 2022 rendu par la section néerlandophone décida que la Belgique pouvait prélever la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif à l’égard d’une SICAV luxembourgeoise. Ces deux arrêts sont toutefois critiquables à plus d’un point de vue et contradictoires. La section francophone de la Cour de cassation jugea que la taxe n’était pas un impôt sur le revenu tandis que la section néerlandophone jugea en effet qu’elle était bel et bien un impôt sur la fortune, mais qu’elle ne relevait pas des impôts énumérés à l’article 2 § 3 de la convention belgo-luxembourgeoise. Elle n’était pas non plus égale ou similaire à ces impôts. La section néerlandophone estima toutefois que la taxe annuelle pouvait être qualifiée d’un impôt sur la fortune dans le cadre de la convention préventive de double imposition belgo-néerlandaise car dans le cadre de cette convention l’article 2 § 3 n’était pas limitatif (à l’inverse de la convention belgo-luxembourgeoise).

4. La cohérence entre ces arrêts de la Cour suprême belge a donné lieu à d’autres recours qui ont abouti au renvoi d’une affaire devant la Cour d’appel de Gand.

Amenée également à se prononcer sur la compatibilité de la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif par rapport à la convention belgo-luxembourgeoise la Cour d’appel de Gand confirma, dans un arrêt du 5 novembre 2024, la jurisprudence constante de la Cour d’appel de Bruxelles en décidant que la taxe annuelle était couverte par la définition de l’impôt telle que visée à l’article 2 de ladite convention.

Selon la Cour d’appel de Gand l’article 2 § 3 de la convention belgo-luxembourgeoise n’est pas limitatif car il y énumère les impôts auxquels la convention belgo-luxembourgeoise s’applique au moment de la signature de la convention. Elle estime en effet, que les paragraphes 1 et 2 de l’article 2 n’auraient aucune raison d’être si le paragraphe 3 était limitatif.

Pour la Cour d’appel de Gand, il convient dès lors d’examiner si la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif qui n’était pas encore en vigueur au moment de la signature de la convention belgo-luxembourgeoise, relève ou non du champ d’application de cette convention. Selon la Cour d’appel de Gand, s’agissant d’un impôt sur la fortune, la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif est bien couverte par la convention belgo-luxembourgeoise.

Par conséquent, le pouvoir de taxation en la matière appartient exclusivement au Grand-Duché du Luxembourg, la Belgique étant dans l’obligation d’accorder une exonération.

5. Cet arrêt de la Cour d’appel de Gand vient renforcer la position des assujettis étrangers à la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif belges qui, jusqu’à présent, ne pouvaient se prévaloir que de la jurisprudence constante de la Cour d’appel de Bruxelles contredite par deux arrêts de la Cour de cassation (bien qu’antérieurs à l’arrêt du 25 avril 2023).

Pour les assujettis concernés, il convient, à titre préventif toujours, d’introduire une demande de remboursement de la taxe annuelle que ce soit devant une juridiction francophone ou néerlandophone, en attendant un nouvel arrêt de la Cour de cassation qui devrait clore le débat.​

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