Transposition de la directive CSRD en Belgique : une évolution pour les entreprises et les professions comptables
Temps de lecture: 4 min |8 novembre 2024 à 08:00
Emmanuel Degrève
Vice-Président de l'Ordre des Experts-Comptables et Comptables Brevetés de Belgique, Société Royale
Le 24 octobre 2024, le projet de loi visant à transposer la directive européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD) a été déposé à la Chambre des représentants en Belgique. Cette initiative législative marque une étape non négligeable pour les entreprises belges, en introduisant de nouvelles obligations en matière de reporting ESG (environnemental, social et de gouvernance). Elle redéfinit de facto (et potentiellement) le rôle des experts-comptables, conseillers fiscaux et réviseurs d’entreprises, qui seront désormais au cœur de la vérification et de l’assurance de ces informations.
Qu’est-ce que la directive CSRD et pourquoi est-elle importante ?
La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) vise à améliorer la transparence, la qualité et la comparabilité des informations de durabilité publiées par les entreprises au sein de l’Union européenne. En remplaçant la directive précédente sur le reporting non financier, la CSRD impose des normes plus strictes, adaptées aux défis actuels liés au changement climatique, à la responsabilité sociale et à la gouvernance éthique.
Quels changements pour les entreprises belges avec le projet de loi de transposition ?
Une fois adopté, le projet de loi introduira plusieurs nouvelles obligations pour les entreprises belges :
1.Élargissement du champ d’application :
L’obligation de publication d’un rapport de durabilité s’étendra à toutes les entreprises à responsabilité limitée classées comme grandes entreprises, ainsi qu’à toutes les sociétés cotées sur un marché réglementé, à l’exclusion des micro-entreprises.
Les entreprises non européennes opérant sur le marché européen seront également soumises à des obligations similaires pour assurer des conditions de concurrence équitables.
2.Remplacement du principe “comply or explain” par la double matérialité :
Les entreprises devront désormais se fonder sur la double matérialité dans leurs déclarations de durabilité, c’est-à-dire rendre compte de leur impact sur l’environnement et la société, ainsi que de l’influence de ces enjeux sur leurs activités et leur rentabilité.
3.Application de normes uniformes (ESRS) :
Le projet de loi impose l’utilisation des normes européennes de reporting de durabilité (European Sustainability Reporting Standards, ESRS) à toutes les entreprises belges concernées, afin d’harmoniser les informations publiées au niveau européen.
4.Adoption d’un format électronique unique (ESEF) :
Pour faciliter la diffusion et l’analyse des données ESG, les entreprises devront soumettre leurs rapports de durabilité dans un format électronique unique, le ESEF (European Single Electronic Format).
5.Assurance obligatoire de l’information en matière de durabilité :
Le projet de loi impose une vérification externe des rapports de durabilité par un tiers indépendant, afin de garantir la qualité des informations et de réduire le risque de greenwashing.
Quel rôle pour les experts-comptables, conseillers fiscaux et réviseurs d’entreprises dans ce nouveau cadre ?
La transposition de la CSRD en droit belge transforme profondément les métiers des experts-comptables, des conseillers fiscaux et des réviseurs d’entreprises :
Experts-comptables : En plus de leurs missions traditionnelles, ils seront appelés à auditer et vérifier les rapports de durabilité des entreprises, nécessitant une connaissance approfondie des normes ESRS.
Conseillers fiscaux : Ils devront conseiller les entreprises sur les implications fiscales de leurs pratiques de durabilité, notamment en optimisant les incitations fiscales liées aux investissements durables.
Réviseurs d’entreprises : Chargés de certifier l’exactitude des comptes, ils assureront désormais une assurance obligatoire des informations de durabilité, garantissant la fiabilité des données publiées.
Quelles sont les prochaines étapes législatives ?
Après son dépôt à la Chambre des représentants, le projet de loi doit encore franchir plusieurs étapes avant d’être adopté et publié au Moniteur belge. Le gouvernement a demandé le bénéfice de l’urgence, ce qui pourrait permettre une adoption avant la fin de l’année 2024, ouvrant ainsi la voie à une application progressive pour les entreprises belges concernées.
Le projet de loi de transposition de la CSRD en droit belge représente une avancée pour renforcer la transparence et la responsabilité des entreprises en matière de durabilité. Ce cadre législatif apporte des standards harmonisés et impose une vérification externe des informations ESG, ce qui devrait améliorer la crédibilité des rapports publiés.
Pour les experts-comptables, conseillers fiscaux et réviseurs d’entreprises, cette réforme constitue une opportunité de diversification et de montée en compétence, les plaçant au cœur de la dynamique ESG en Belgique. En assurant la fiabilité des informations de durabilité, ils contribuent à renforcer la confiance des parties prenantes et à orienter les entreprises belges vers une économie plus durable et responsable.
Mots clés
Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD)Developpement Durable (DD)Environnement, Social, Gouvernance (ESG)Expertise comptableDouble matérialitéEuropean Sustainability Reporting Standards (ESRS)European Single Electronic Format (ESEF)